Scratche à l'essentiel

La musique a ses hommes de l'ombre aussi importants, signifiants que les silhouettes qui s'agitent en devant de scène. DJ Rebel est un combattant dans l'ombre riche et profonde du hip-hop. Et si la lumière est souvent ingrate, l'obscurité, qui n'a rien promis, sait quelquefois récompenser les justes.

Léger flash-back dans l'histoire, courte mais trépidante du hip-hop en France. Alors que le pays s'enflamme pour le rap et danse sur Le Mia d'IAM, les Soul Swing & Radical travaillent pour la reconnaissance. Les gars sont doués : il y a Dope Rhyme Sayer et Def au micro (qui en solo s'imposeront sous les identités de Faf Larage et Def bond) et les DJ's Rebel et Majestix s'illustrent en inaugurant une formule à quatre platines. Pour SS & R, le succès, tel qu'en France on le conçoit, ne viendra pas, malgré les compils, l'écumage systématique des salles de concerts, une tournée en première partie d'IAM dont les danseurs Kephren et Freeman co-produiront le disque Le Retour de l'âme soul. Ce EP-testament achèvera de donner au groupe une aura légendaire. En 1997 (?), le Soul Swing se sépare amicalement… Rebel se remémore la frilosité de l'industrie du disque du moment et une réflexion adéquate de ses amis américains : « le rap est un business, le hip-hop est une culture ».

Rebel revient à l'essentiel et entretient l'art du scratch et du mix à la radio. Il n'oublie pas que c'est là qu'il a connu ses premiers frissons de b-boy, quand on le connaissait sous le nom de Rebel Juice, né en 1966 dans les quartiers populaires de Marseille, d'une famille originaire de Marrakech : « je ne me rappelle même pas comment j'ai atterri dans l'émission culte qui m'avait fait découvrir les scratches de Grandmixer DST. En fait, je me suis retrouvé dans le poste de radio et je n'en suis pas sorti ». Les ondes libres forment le véritable fil conducteur de la trajectoire de Rebel, de cette approche culturelle du hip-hop : liberté, réactivité, interaction avec les mélomanes et les artistes qui viennent animer l'antenne « c'est ce qui doit me distinguer de bon nombre de DJ's : j'aime partager ! ». Ses émissions de 1986 à 1997, Rebel Show et Tempo Rebel, diffusaient import et raretés et demeurent des références. On y croisait des membres d'IAM, de la Fonky Family, du 3ème Œil, Def, Faf et aussi des américains comme Evelyn Champagne King, Jeru the Damaja, The Roots et beaucoup d'autres. Une époque d'émergence vécue aussi sur scène avec les soirées du Squad et du Côté Obscur… Les locaux de Radio Grenouille sont localisés à la Friche la Belle de Mai, friche institutionnelle où Rebel croise des créateurs d'autres horizons qui font appel au DJ « ils m'ont considéré comme jamais avant je ne l'avais été dans le hip-hop : en tant que musicien ». S'enchaînent des projets expérimentaux avec le groupe de platinistes d'Otomo Yoshihide et Christian Marclay, le free rock de Ferdinand et les Diplomates… A partir de 1996, l'AMI (Aide aux Musiques Innovatrices) l'invite à animer à la Friche une initiative inédite : un « atelier scratch ». Imhotep d'IAM et Solaar ayant initié des ateliers « sample » et « écriture ». Les ateliers forment gratuitement de jeunes DJ's, producteurs et rappeurs à ces techniques de création hip-hop. Grâce à ces ateliers, le DJ initie de jeunes musiciens en Guyane, au Sénégal, en Côte d'Ivoire et en Guinée. A Conakry, avec le 3ème Œil il participe au 1er festival de rap africain organisé par le groupe guinéen Kill Point. Rebel approfondit donc sa carrure de passeur de savoir qui correspond à une approche totale et authentique de la culture hip-hop qui lui permet ainsi de participer en tant que membre du jury à divers championnats ou battles DJ. Quant à l'instituer « maître es hip-hop », c'est une autre affaire …

Car l'homme ne se laisse pas saisir aussi facilement. Il ne se surnomme pas Rebel pour rien. En 96, il fonde avec DJ Djel de la Fonky Family les Dont Sleep DJ's (Don’t Sleep car les émissions animé par Dj Rebel ne se tereminaient jamais avant le levé du soleil), collectif de DJ's hip-hop marseillais. L'idée initiale est de former un groupe de DJ's avec une évidente puissance de mix mais c'est aussi une démarche militante : défendre la culture des platines, ne pas dormir sur ses lauriers, rester vigilant et ouvert. La motivation de Rebel le pousse à soutenir le groupe underground marseillais Puissance Nord. Ou encore à se ressourcer régulièrement aux USA où Rebel prend du recul sur les travers du business de son pays « Je suis plus considéré en Amérique pour les projets purement commerciaux auxquels je ne participe pas qu'en France pour les passerelles que je contribue à créer ». Dernièrement, les contacts avec la scène électronique se sont multipliés : Rebel a été DJ résident du programme sur Internet DJ-Up et les Troublemakers l'ont sollicité pour p a rticiper à un album et des lives qui en ont fait des pointures de la scène électro française. En 2001, cette trajectoire éclatée a été l'objet d'un entretien conséquent dans le magazine Radikal où Rebel est questionné, comme un expert, sur l'art et l'économie du hiphop…

Rebel est un DJ recherché parce que son approche du scratch n'est fondée ni sur la rentabilité optimale, ni sur la perf o rmance technique mais sur l'esprit originel de la musique noire, son groove, sa profondeur, les racines de sa culture. Sur ces bases, le DJ échafaude aujourd'hui un projet de production qui réparera un tort impardonnable : Rebel le collectionneur de bons vyniles et mélomane éclectique a été peu prodigue en « son »par le passé, une philosophie d'effacement que ne renierait pas la doctrine taoïste ! « je manquais d'ambition pour penser à une carrière et je n'étais ni assez intéressé par l'argent ni assez égocentrique pour œuvrer à des mix-tapes ou des compilations ». De l'ambition, Rebel en a pour sa recherche personnelle, un projet futur qui sera certainement peu apte à une classification facile dans les bacs des disquaires. Le reflet d'une individualité intègre et ouverte, rigoureuse et libre, indépendante et tournée corps et âme vers un essentiel si familier et si novateur : le frottement d'un diamant sur du vinyle.

Hervé Lucien - novembre 2001

discographie

émissions radios

Depuis 1992 sur Radio Grenouille émission Tempo Rebel diffusé sur le site de radio Grenouille, à l'origine des premières émissions Hip Hop sur les ondes de la Grenouille.
>> www.lafriche.org/grenouille
1986, 54 semaines sur Radio Gazelle avec l'émission Rebel show.
1984, La même année, dans l'émission "Anarchie" diffusion d'albums de rap, radio Grenouille au Toursky.

Soul Swing

Le Soul Swing & Radical est née en 1988 sous l'impulsion de deux rappeurs marseillais de la première heure, Dope Rymes Sayer et Grand Organisateur DEF. Ils se font connaître du public la même année en passant deux clips ("Was a brother" et "Assonances") dans l'émission "Rapline" sur M6. Le titre "Assonances" leur a permis ensuite d'apparaître dans la compilation "Nation Rap en 1990.

Avec les arrivées du danseur, aujourd'hui rapper, Karim (1989) devenu K.Rhyme Leroi, de Dj Rebel (1991) et de Dj Majestic (1993) le Soul Swing & Radical trouve sa forme définitive. S'enchaîne alors une suite de collaborations vinylliques, avec I AM en particulier. Avec plus de cents concerts à leur actif en France (Francofolies de la Rochelle, Banlieues Bleues, Printemps de Bourge, Féria de Nîmes, 1ère partie d'I AM à l'Olympia…) et à l'étranger (Suisse, Belgique, Afrique du nord…) ils se sont construit une réputation solide dans le milieu rap.

Imhotep

Imhotep est l’un des membres fondateur du groupe de Hip Hop marseillais IAM. Dj Rebel participe activement à de nombreuses de ces productions, notamment ce mois ci (nov 2001) à 4 nouvelles. À suivre...